Chronique historique

Les guerres

Des hommes et des faits

Les monuments de Ger

14-La Révolution de 1789

Elle laisse Ger et les Gérois sans réaction particulière, les sentiments sont très partagés, apparemment dans les premiers temps, 2/3 de la population reste fidèle à la Monarchie et 1/3 est attiré par les idées nouvelles.
Dans leurs plaintes et remontrances à l’Assemblée des Etats-Généraux de 1789, les paysans du Mortainais font valoir que le sol qu’ils exploitent est presque partout stérile, pierreux et montagneux, qu’il est rempli de landes, de bruyères, de bois, où se réfugient des légions de lapins, qu’il est occupé par une vaste forêt (encore 1715 hectares environ en 1751) d’où des bêtes fauves, surtout des loups, sortent et égorgent des moutons et des sangliers qui dévastent les récoltes.

Malgré tous les troubles qui éclatent dans cette période, l’industrie et l’artisanat de Ger semblent encore très stables, les 21 fabriques de poteries emploient près de 560 personnes. Guillaume Pallix, meunier aux Fanières et Gilles Mauviel au Gué de la Motte travaillent à plein temps, de même que les cloutiers, toute la famille Maloizel à l’Ardilly (cinq frères), Adrien Caillebotte à Viéval, Jacques Gosselin à la Cloutière et Martin Therin aux Eracées. Pierre Véron est armurier à l’Essart, et de petits hameaux comme la Source comptent deux boulangers : Guillaume Calendo et Mathurin Caillebotte. Jacques David est tisserand à La Plesse, et presque chaque village compte un cabaretier ou un marchand de cidre : Jean Hardouin est cabaretier à la Rouérie.

Le Domaine de Mortain appartient en 1791 à Louis Philippe Joseph de Bourbon, Duc d’Orléans, dit “Philippe-Egalité”, père de Louis-Philippe. Philippe-Egalité, député de la Convention vota la mort de Louis XVI (21 janvier 1793) et mourut lui-même sur l’échafaud la même année.
Philippe-Egalité vendit suivant actes des 28 août, 4 et 11 septembre 1792 le Domaine de Mortain à Collet de Saint-James, maître de forge de Champsecret, mais dépouillé de la plupart de ses privilèges.

La paroisse de Ger fut très éprouvée durant tout ce temps en raison des nombreux accrochages qui opposaient les Prêtres ayant prêté serment à la constitution civile du clergé et les prêtres traditionalistes. Sur huit prêtres qui se trouvaient à Ger avant la révolution, cinq qui n’avaient pas prêté serment durent s’exiler ou se retirer dans leur famille. Il s’agit de l'abbé Jolivet, curé de Ger, et des prêtres Richard, Mauger, Brehier et Théot. Des trois restants, l'abbé. Boelle, né à St-Christophe-de-Chaulieu, prit possession de la cure en 1791 avec Grongnard et Dubois, pour vicaires.

Les Prêtres restés fidèles, Guillaume Mauger, Gilles Théot et Guillaume Leprovost qui les avait rejoints, durent se tenir constamment cachés. Au village du Pavillon, se cachait souvent Gilles Théot, parent du constitutionnel, mais de conduite bien différente. Ce saint prêtre se cacha d’abord chez lui, dans un escalier entre deux chambres, mais le lieu de sa retraite fut connu. Averti à temps, il échappa aux poursuites des patriotes et se mit à errer de villages en villages. Souvent il célébrait la messe à la Basse Louverie, dans les maisons des familles Vaugeois et Dumaine, il avait là une cachette fort secrète, placée dans un tas de foin. Plus tard, il se retire chez Charles Robbes-Bissonnière, y tombe malade, et y meurt, épuisé par les fatigues et les frayeurs.
C’était au plus fort de la révolution. La famille Robbes cacha sa mort et le fit transporter la nuit au carrefour des Brulins. Le fameux Louvel le trouva et le fit enterrer dans le cimetière.
Leprovost, retiré dans sa famille, exerça aussi très activement le ministère non seulement à Ger, mais encore dans plusieurs des paroisses voisines, particulièrement à Sourdeval, à Lonlay, et même dans la ville de Mortain. Pendant les dernières années, l'abbé Dary, de Barenton, l'abbé Vallée, curé d’Yvrandes et l'abbé Alix, ancien vicaire de St-Georges-de-Rouelley, revenus de l’exil, y parurent souvent et y exercèrent le saint ministère conjointement avec l'abbé Mauger. Ils célébraient la messe, prêchaient, faisaient le catéchisme et entendaient les confessions dans la grange du presbytère. Beaucoup de personnes s’y rendaient chaque dimanche.

L'abbé Mauger rendit les plus grands services pendant la Terreur (juillet 1793 à juillet 1794). Jean Robbes de l’Essart recevait souvent chez lui les habitants de la Gasnerie, de la Bissonnière, de Viéval, du Pavillon et Froidebise sur Lonlay-l’Abbaye. Tous s’entendaient pour le cacher. À l’époque, ces villages se trouvaient tous dans la forêt. À la suite d’une dénonciation, celui-ci fut cependant arrêté, conduit à Mortain, et de là au Mont-Saint-Michel, où il resta quelque temps prisonnier.
Les patriotes excités par les prêtres constitutionnels eurent recours à toutes leurs vexations ordinaires, pour amener aux offices les habitants de la paroisse. Mais la grande majorité resta attachée aux prêtres fidèles, et leur résista avec énergie.

Pour citer un exemple de vexations, nous parlerons de Jacques Lefranc, chrétien fervent, très opposé aux idées nouvelles, qui ne voulait point assister à la messe des prêtres constitutionnels, et qui sanctifiait le dimanche en récitant chez lui des prières avec sa femme. Les patriotes vinrent les trouver et les sommèrent tous deux de se rendre à l’église. Ils refusèrent. On en vint aux menaces ; ils tinrent ferme ; alors les patriotes les saisirent, les placèrent tous deux, dos à dos, sur une mauvaise haridelle, dont ils obligèrent le mari, à tenir la queue dans sa main, et les promenèrent autour de l’église, au milieu des huées des enfants curieux, et d’une troupe de gens sans aveu. Beaucoup d’autres furent traités de la même manière, plusieurs furent fouettés, tondus d’une manière ridicule ; quelques-uns même eurent les oreilles coupées, et subirent de mauvais traitements ; mais rien ne put les ébranler.

Après la suppression du culte constitutionnel, l’église fut dépouillée ; les statues furent brisées ou mutilées, les autels renversés. Puis les patriotes y célébrèrent les décades. Enfin elle fut changée en caserne. Le patriotisme de la majorité des habitants de Ger étant fort suspect, les autorités du district de Mortain jugèrent nécessaire d’envoyer là des soldats, pour protéger les hommes dévoués à la chose publique.

Le premier conseil municipal constitué en 1792 comprenait Pierre Véron « Les Fieffes », Maire, Julien Leprovost, Adjoint, Gabriel Esneu « Hautes Brousses », Michel Lelièvre « La Prise », Jean Robbes « Les Mares », Blaise Le Moing et Charles Rageot, conseillers.
Le bourg de Ger, en 1795, fut le théâtre d’un coup de main, dont un témoin oculaire a raconté les épisodes.