Chronique historique

Les guerres

Des hommes et des faits

Les monuments de Ger

15-Les Chouans attaquent Ger

Le bourg de Ger fut, le 27 septembre 1795, l’objet d’un coup de main, ou plutôt d’une surprise de la part des chouans dirigés par le Général Louis de Frotté.
En partant d’Ambières, Frotté était passé sous les murs de Domfront puis avait passé la nuit à Barenton. Il avait décidé d’enlever immédiatement le cantonnement militaire qui venait d’être établi à Ger. A cette époque troublée, les Républicains avaient en effet installé des troupes dans toute la région : à Ger, au Fresne-Poret, à Juvigny, au Teillet en Romagny, à Mortain, à Saint-Hilaire… pour lutter contre la chouannerie qui sévissait en Normandie. Fort de180 à 200 hommes, la troupe de Frotté quittait Barenton vers 11 heures et demie du matin, se glissait silencieusement au travers de Ia forêt de la Lande-Pourrie et à deux heures ses chouans apparaissaient dans le bourg de Ger.

C'était le jour de la fête patronale, la Saint Matthieu (26 septembre), toujours chômée malgré les tristesses du temps.

Les patriotes de Ger réfugiés à Mortain avaient profité de la circonstance pour revenir chez eux; des bourgeois, la garnison du Fresne-Poret, avaient suivi leur exemple. Les soldats, au nombre d'environ quatre-vingts, confondus avec les habitants, buvaient et dansaient avec les paysannes, suivant les dispositions de chacun.

Tous croyaient Frotté bien loin; nul ne pensait à lui, quand des coups de feu les détrompèrent. Un seul poste militaire avait été établi. Il fut aussitôt enlevé à la baïonnette.

Un témoin oculaire raconte :

“Nous tombons sur le poste à l'improviste, vers trois ou quatre heures de l'après-midi. Le factionnaire surpris et le corps de garde enlevé à la baïonnette furent passés par les armes, suivant les tristes lois de la guerre. Le reste dispersé çà et là, n'eut de salut que dans la fuite. Tous ceux gui furent rencontrés subirent le méme sort que le poste, ainsi que le commandant. Cette cruelle et déplorable guerre était à mort; on ne faisait point de prisonniers, ni de part ni d'autre, et les républicains en avaient donné l'exemple. Le reste se sauva sans armes et sans bagages à Mortain; c'était un détachement du 3e bataillon des Vosges”.
“Nous n'eumes à regretter qu'un nommé La Grenade, continue le narrateur c'était un transfuge du 3e bataillon de la Montagne, passé aux chouans de la Mayenne l 'hiver précédent, qu'il avait abandonné pour s'attacher au parti de Normandie. Encore ne fut-il pas tué par les républicains, qui ne tirèrent pas un seul coup de fusil, mais par un émigré de Mortain, nommé Du Laurent, très-brun, et qui eut l'imprudence de tirer par une fenétre, quand La Grenade se débattait dans le corps de garde avec plusieurs républicains. Du Laurent ne se pardonna jamais sa méprise; les fièvres s'emparèrent de lui et elles I'auraient consumé quand méme il n'eut pas été tué à l'affaire aussi malheureuse que mal ordonnée du Teilleul, le mois de novembre suivant."
“Le soir nous nous retirames dans les paroisses de Saint-Jean-des-Bois et d'Yvrandes, où les républicains vinrent chercher leur revanche, le samedi suivant, sous les ordres de I'adjudant-général Mignotte, qui commandait alors à Mortain “

Les Républicains ne ripostèrent même pas à cette attaque imprévue et s'enfuirent à Mortain en abandonnant sept fusils à leurs agresseurs et une cinquantaine de victimes.

Ce texte est extrait d'une étude réalisée en 1908 par Hippolyte Sauvage, reproduite d'après le manuscrit original détenu par André Gastebois. Transcription Jacques Delarue 2001
Parmi ses sources Hippolyte Sauvage cite :
- Billard de Veaux : La Chouannerie
- La Sicotière : Louis de Frotté
- Michelot Moulin : Mémoires sur la chouannerie normande