Lettre de M. Lelièvre Instituteur à Tinchebrai

St Quentin-les-Chardonnets, par Tinchebrai, Orne, le 11 octobre 1905

Monsieur Sauvage,



Mlle Després m’a dit que vous cherchiez l’emplacement du Château de la Forêt à la limite de Lande-Pourrie.
Ce château est celui de Tinchebrai, il n’y en a pas d’autre à la limite de la forêt de Lande-Pourrie, capable d’héberger des rois et leur suite.
Instituteur, depuis 25 ans, dans cette région, où je suis né, et où j’ai consulté gens et choses qui pouvaient me renseigner sur l’emplacement du château de la forêt, toujours j’ai trouvé que ce château ne pouvait être que celui de Tinchebrai.
Le télégraphe dont vous parlez n’a jamais été un château, j’y suis allé plusieurs fois.

A l’époque dont vous parlez, la forêt de Lande-Pourrie s’étendait sur Tinchebrai, jusqu’aux murs du château, puisque cette forêt servait de parc au dit château. Ce parc est encore en bois et joûte les anciens fossés ou étang du château. Il n’y a pas cinquante ans, que du côté de Lande-Pourrie, les fossés du château de Tinchebrai à Ger, ce n’était qu’une vaste étendue de forêt. Dans cette vaste étendue de forêt, il se trouvait seulement, de loing en loing, quelques fermes formant oasis de maigre culture.
Les rois ne sont venus à Tinchebrai et à l’abbaye, au prieuré d’Yvrandes qu’en partie de chasse, en veine de plaisirs, pour eux, le château de Tinchebrai, qui du côté qui ne touchait pas à la forêt, n’était avoisiné que de quelques chétives demeures de pauvres manants, était bien le château de la Forêt. Mortain, Domfront, Vire, etc étaient des châteaux entourés d’une certaine ceinture d’habitations plus ou moins peuplées de seigneurs, ou de riches bourgeois ; mais Tinchebrai qui n’avait presque pas de maisons du seul côté du nord, où se trouvaient les terres défrichées ; Tinchebrai, qui n’avait qu’un prévôt et point de bailly, était bien en ce temps reculé, le château de la forêt de Lande-Pourrie.
Hâtez-vous donc, Monsieur Sauvage, de publier vos recherches sur Mortain et Tinchebrai ; vous ferez plaisir à tout le monde, et vous me rendrez particulièrement service, car je prépare un travail sur Tinchebrai ; mais seulement à partir du dixhuitième siècle, car je n’ai pas de documents, même pour les guerres de religion. Où sont imprimés vos ouvrages ? Je n’ai jamais pu me les procurer : les librairies de notre région ne peuvent les trouver.
Recevez, Monsieur, mes plus vifs désirs de lire bientôt votre travail sur le Cté de Mortain et la Châtellerie de Tinchebrai ?

Lelièvre instituteur à St Quentin-les-Chardonnets, par Tinchebrai (Orne)